Après avoir déposé les 4 tonnes de documents décrits ici auprès de l'avocate, celle-ci a démarré la rédaction du projet d'assignation. Après quelques aller-retours un peu laborieux, nous avons établi l'assignation définitive au procureur, en prenant en compte les points que je voulais mettre en avant dans mon dossier et ceux que je préférais enlever.
Par exemple j'ai voulu enlever au maximum les termes "syndrome", "diagnostic", "transsexualisme", etc, qui me font saigner les oreilles. Je n'ai pas pu les faire disparaître totalement de l'assignation car ce sont malheureusement sur ces termes médicalisants et psychiatrisants que se reposent aujourd'hui les juges pour décider de la validité des demandes de changement d'état civil.
J'ai ensuite rapidement reçu une facture de l'huissier, dont le rôle est de signifier au Procureur de la République son assignation devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre. La facture m'était adressées au féminin, j'ai donc écrit un mail incendiaire à l'huissier, qui n'a bien sur pas accuser réception et n'a jamais répondu.
Assez rapidement la date d'audience nous a été indiquée pour le 1er décembre à 9h30.
Nous étions 4 FtM a passer au même moment avec la même avocate, ce qui a rendu le process plus sympa. A son arrivée, l'avocate nous préviens que l'audience va aller très vite, que les juges veulent souvent que l'on parle de notre parcours mais on peut parler (ou pas) de ce qu'on veut. Personnellement, je m'étais un peu dit que j'allais "profiter" de ces 5
minutes (vues qu'elles me coûtaient 1600€) pour dire ce que j'avais
envie de dire.
Je suis passé en 2ème, après que le 1er soit sorti après moins de 5 minutes. Je suis donc rentré dans un petit bureau, avec une table. D'un côté, 2 juges et la greffière et de l'autre mon avocate a côté de laquelle je me suis assis. Normalement, le ou la procureur.e de la République doit être présent.e, mais depuis un décret très récent ille en est dispensé, ce qui a légèrement fait flipper notre avocate qui n'était pas au courant.
La juge a repris les éléments de mon dossier, en insistant bien sur le "syndrome de transsexualisme diagnostiqué par le psychiatre", ce qui m'a fait grincer les dents. Elle m'a ensuite demandé de présenter un peu mon
parcours, j'ai dit que ce n'était pas nécessaire puisque tout était dans les documents.
Je leur ai dit que par contre je regrettais un peu de devoir
passer par un processus aussi lourd pour un changement administratif,
qui à mon sens pourrait tout aussi bien se faire sur internet. Ça les a
un peu fait tiquer, la juge m'a dit "mais si on le faisait sur internet
il y aurait des abus", ce à quoi je lui ai répondu qu'il y a déjà des
abus.... (sachant que 2 des autres mecs présents ce jour la n'avaient
pas le droit en théorie de demander un CEC dans ce tribunal, ça m'a bien
fait rire intérieurement).
Après je lui ai dit aussi que je
trouvais ça dommageable que tout au long du processus, on s'adresse à nous
au féminin, pour les courriers qui nous sont envoyés par exemple. Elle
est restée bien rigide avec des arguments légaux dans la veine de "c'est votre état civil on est obligé de s'adresser à vous comme ça". J'ai essayé de lui expliquer que le reste du monde semble réussir à nous parler normalement, c'est étrange que eux n'y arrivent pas. J'en ai remis une petite couche en disant que c'était quand même dommage que 4 jeunes
hommes comme nous aient cette première interaction avec la justice en tant
qu’institution, parce que si la justice ne nous respecte pas je ne vois
pas comment on peut respecter la justice. Sur le moment elle n'a pas
relevé, mais à la toute fin elle m'a dit "j'espère que vous ne garderez
pas un trop mauvais souvenir de votre expérience avec la justice".
Après
mon avocate a insisté en disant que ce qui me frustrait
aussi c'était de devoir fournir des attestations de psychiatre et de médecins, alors même que le "transsexualisme" ne fait plus
partie des ALD psychiatriques, et que c'est donc totalement incohérent.
Bref, j'ai bien conscience que mon argumentaire n'a aucun poids, mais au moins je le suis senti soulagé de lui avoir dit.
Elle a ensuite conclu en disant que le délibéré aurait lieu le 19 janvier.
Je suis content que ça soit fait, et que ça se fasse dans un tribunal "facile" mais je reste atterré de la lourdeur et de l’archaïsme du processus dans son ensemble. D'une certaine façon, ça me motive encore plus pour militer à la création d'une loi pour un CEC libre et gratuit sans conditions médicales.